Les stratégies de paroles pour gagner : Arthur Schopenhauer



STRATÉGIE 1 :
pousser l’affirmation adverse au-delà de ses frontières naturelles
Il s’agit de pousser l’affirmation adverse au-delà de ses frontières naturelles, en l’interprétant de la manière la plus générale possible, en la prenant au sens le plus large possible, en la caricaturant ; tout en restreignant le sens de la sienne au maximum, en la délimitant au plus serré : de fait, plus une affirmation est générale, plus elle prêtera le flanc aux attaques.
Exemple
À dit : « La paix de 1814 a rendu leur indépendance à toutes les villes hanséatiques allemandes. » B rétorque que Dantzig, à cette occasion, a justement perdu l’indépendance que lui avait octroyée Napoléon. A s’en tire ainsi : « J’ai bien dit toutes les villes hanséatiques allemandes : Dantzig était polonaise. »
STRATÉGIE 2:
tirer parti de la polysémie d’un terme pour étendre une affirmation
Il consiste à tirer parti de la polysémie (la polysémie est la caractéristique d'un mot ou d'une expression qui a plusieurs sens ou significations différentes )d’un terme pour étendre une affirmation à une acception dudit terme qui n’a plus grand-chose à voir avec l’objet du débat, pour ensuite la réfuter avec brio, donnant ainsi l’impression qu’on aura réfuté l’affirmation première.

STRATÉGIE 3
Il consiste à prendre une affirmation relative et à la poser comme absolue, ou du moins à la transposer dans un tout autre contexte pour la réfuter.
STRATÉGIE 4
Il consiste à ne pas laisser entrevoir la conclusion à laquelle on veut arriver, tout en faisant admettre ses
prémisses une par une isolément dans la discussion, afin d’éviter que son adversaire puisse chercher midi à quatorze heures ; et si l’adversaire ne semble pas disposé à les admettre, on énonce les prémisses de ces
prémisses par le biais de protosyllogismes ; on fait admettre les prémisses de ces protosyllogismes dans le
désordre, en continuant à cacher son jeu, et ce jusqu’à ce que soit admis tout ce qui est nécessaire. On fera donc débuter notre raisonnement bien en amont.


STRATÉGIE 5
Pour prouver la validité de sa thèse, il est aussi possible d’avoir recours à des prémisses erronées, et ce quand l’adversaire ne consentirait pas à admettre les vraies, soit parce qu’il ne voit pas ce qu’elles ont de valable, soit parce qu’il voit aussitôt quelle thèse elles induisent. Dans ce cas, il faut prendre des propositions qui sont fausses en soi, mais vraies ad hominem
(l Argument ad hominem, par lequel on attaque l'adversaire directement dans sa personne en lui opposant ses propres paroles ou ses propres actes)., et argumenter à partir de ce qui aura déjà été concédé par l’adversaire, autrement dit en adoptant son mode de pensée.
exemple
si il est adepte d’une quelconque faction spirituelle, nous pouvons en utiliser les préceptes comme principes de départ, quand bien même nous ne les approuverions pas.
STRATÉGIE 6
Il consiste à faire une pétition de principe
( la pétition de principe est une proposition que l’on admet mais qui n’a pas été prouvé) cachée en postulant ce qu’on serait censé prouver
exemple
affirmer l’incertitude de la médecine en postulant l’incertitude de tout savoir humain.
STRATÉGIE 7 : méthode, dite socratique
Il s’utilise dans un débat au cadre quelque peu strict et formel, et dont le but serait de dégager un consensus. Celui qui a énoncé sa proposition et doit en prouver la validité procédera alors par questions, avant de conclure à la validité de sa proposition à partir des concessions de son adversaire.
Il s’agit de poser beaucoup de questions disparates à la suite pour dissimuler ce qu’on veut réellement faire admettre. En revanche, l’argumentation basée sur ce qui aura été admis sera menée rapidement, car les esprits lents ne pourront pas suivre correctement, et passeront outre les éventuelles erreurs ou failles dans le raisonnement.
STRATÉGIE 8
Il consiste à mettre l’adversaire hors de lui : la colère étant mauvaise conseillère, il ne sera plus en état de
former un jugement juste et de voir où est son intérêt. Le moyen le plus sûr de le faire sortir de ses gonds est de le provoquer ouvertement, de couper les cheveux en quatre, sans jamais reculer devant l’irrévérence.
STRATÉGIE 9
Il consiste à ne pas poser ses questions dans l’ordre que l’exigerait la conclusion qu’il faut en tirer, mais à
procéder à diverses permutations : nul moyen alors pour l’adversaire de savoir où on veut en venir, et donc de prendre les dispositions nécessaires. On pourra de surcroît utiliser les réponses données pour en tirer des conclusions différentes, voire opposées, selon la forme sous laquelle elles se présentent.
STRATÉGIE 10
Si on remarque que notre adversaire fait exprès de dire non là où on voudrait qu’il dise oui, il suffit de demander le contraire en feignant de chercher son approbation, ou du moins de lui soumettre les deux propositions, afin qu’il ne sache pas laquelle on souhaite voir approuvée.
STRATÉGIE 11
Si l’on procède par induction et que notre adversaire admet les cas particuliers qu’elle met en œuvre, on s’abstiendra de lui demander s’il admet aussi la vérité générale qui découle de ces cas particuliers ; au lieu de quoi on l’introduira plus tard, comme si elle avait déjà été admise et que l’on s’était accordé dessus. En effet, l’adversaire pensera entre-temps l’avoir effectivement admise, et l’auditoire également, parce qu’ils se rappelleront les nombreuses questions portant sur les cas particuliers, et se diront qu’elles ont bien dû mener quelque part.
STRATÉGIE 12
Il s’applique à un concept général qui n’a pas de dénomination spécifique, mais qui doit être désigné par analogie. Il est alors nécessaire de choisir l’analogie de manière qu’elle serve notre affirmation
par exemple, si mon adversaire propose une modification, on préférera parler d’innovation, car le terme est connoté ; et on adoptera la démarche inverse lorsqu’on est l’auteur de la proposition. Dans le premier cas, on se posera en défenseur de l’ordre établi ; dans le second cas, on le qualifiera au contraire de rite ancestral.
Un orateur dévoile souvent son intention par les noms qu’il donne aux choses.


STRATÉGIE 13
Pour faire en sorte que l’adversaire admette un énoncé, il faudra en soumettre également le contraire pour lui laisser le choix, en prenant soin de bien prononcer le contraste, de sorte que l’autre soit obligé, pour rester cohérent, d’approuver notre énoncé, qui en regard paraîtra tout à fait crédible
exemple
·      Si nous désirons qu’il admette qu’il faut faire tout ce que dit son père, nous lui demanderons : « Doit-on obéir ou désobéir en tout point à ses parents ? »
Ou encore :
·      Si il dit à un certain propos « souvent » ; et nous demanderons alors si par souvent, il faut entendre peu ou beaucoup : il répondra « beaucoup »
STRATÉGIE 14
Si l’adversaire a répondu à plusieurs questions sans donner la réponse que nous attendions pour poursuivre l’argumentation, on pourra malgré tout passer à la conclusion visée, même si ce n’en est pas du tout la suite logique. Ce faisant, on veillera à la présenter sous l’apparence de la logique, et à la proclamer d’un air de triomphe. Pour peu que l’adversaire soit timide ou stupide, et que l’on ne manque ni d’aplomb ni de coffre, cela fonctionne à merveille.
STRATÉGIE 15
Imaginons que notre thèse soit paradoxale, et que nous ayons du mal à la prouver : on soumettra alors à l’approbation adverse une proposition juste, mais bancale, comme si nous voulions faire partir de là notre raisonnement. Si, méfiant, l’adversaire rejette la proposition, on en viendra à bout par l’absurde ; s’il l’accepte, c’est qu’il la considère rationnelle, et on pourra passer à la suite.
STRATÉGIE 16
Est-ce que quelque chose, dans ce que vient d’affirmer notre adversaire, entre en contradiction, ne serait-ce qu’apparente, avec quelque chose qu’il aurait dit ou admis précédemment ? Ou avec les préceptes d’une faction intellectuelle ou spirituelle qu’il aurait vantée ou approuvée ? 
Ou avec les agissements de ses partisans, voire de personnalités qu’on pourra faire passer pour telles ? Ou avec sa propre ligne de conduite ?
Exemple :
S’il défend le droit au suicide, on lui lancera aussitôt : 
« Pourquoi ne vas-tu pas te pendre alors ? »
STRATÉGIE 17
Si un contre-argument adverse nous pousse dans nos retranchements, il est souvent possible de s’en sortir par un subtil distinguo auquel on n’aurait pas pensé précédemment, pour peu que la chose se prête au double sens ou admette deux cas de figure.
STRATÉGIE 18
Si l’on constate que l’adversaire s’est lancé dans un raisonnement qui nous mènerait à la défaite, il ne faut pas le laisser arriver là où il souhaite, mais interrompre ou dévier le cours du débat avant qu’il soit trop tard, pour le mener à d’autres conclusions.
STRATÉGIE 19
Si l’adversaire nous met au défi de contrer un certain point de son raisonnement, mais qu’on n’a rien de valable à proposer, on généralisera le propos pour lancer la contre-argumentation. L’adversaire veut que nous expliquions pourquoi on ne peut accorder de crédit à telle hypothèse physique : on invoquera la faillibilité de la connaissance humaine, qu’on illustrera d’un tas d’exemples
STRATÉGIE 20
Lorsqu’on a soumis les prémisses et qu’elles ont été admises par l’adversaire, on se gardera d’en soumettre aussi la conclusion, qu’on lui dictera purement et simplement : et même s’il manque telle ou telle prémisse, on passera outre, pour tirer notre conclusion comme si toutes les prémisses avaient été admises.


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