LE DÉSIR




LE DÉSIR
DÉFINITION
Le mot désir (du latin de, « absence de », et sidus, « astre, étoile ») se définit comme un manque (une tension) visant un but (la satisfaction) au moyen d'un objet. Il semble conscient et choisi, là où le besoin semble soumis à la simple nécessité. L'étymologie suggère aussi que le désir est essentiellement nostalgique (exprime en effet l'idée de « regret » et qu'il idéalise I’ objet de son manque (l'étoile suggère un objet inaccessible). La réflexion philosophique porte donc sur la valeur à attribuer au désir humain
Le désir généralement est  la prise de conscience d’un manque, dont la satisfaction procure du plaisir.

Questions

est-il l'expression de la liberté humaine et du bonheur ou bien source d'esclavage et de malheur ?
Le désir est-il essentiel pour comprendre ce qu’est l’homme ?

le désir est l’essence de l’homme

« L’appétit n'est rien d'autre que I'essence même de I'homme »  Spinoza, Ethique,
En écrivant que le désir constitue l'essence , autrement dit l'identité même, de l’homme, Spinoza replace celui-ci dans le cadre de la Nature. A l'instar de tout être vivant, l'être humain est doté d'un appétit de vie, d'une tendance à agir et à persévérer dans son existence. Fondamentalement, le désir est donc innocent, au-delà de tout jugement ou condamnation. Toutefois, ce qui est nommé « instinct » chez l'animal est désir pour l’homme, car celui-ci en est conscient et le déploie sur un registre plus large que la sommaire reproduction ou la survie : désir de création artistique, amour ou bienveillance envers autrui... En somme, prétendre renoncer au désir reviendrait pour l'homme, non seulement à nier sa propre nature, mais aussi à se priver de l'énergie qui seule peut alimenter sa joie.
Et si Spinoza a pu faire du désir l’essence même de l’homme, c’est que désirer n’est pas un phénomène accidentel mais bien le signe de notre condition humaine.
C’est d’abord le signe d’un manque : on ne désire que ce que l’on n’a pas. Il y aurait au cœur de l’homme une absence de plénitude et un inachèvement qui aspireraient à se combler et qui seraient à l’origine de la dynamique même de l’existence.
Le désir peut-il être pleinement satisfait ?
« Nous ne savons renoncer à rien. Nous ne savons que changer une chose contre une autre. » Sigmund Freud
 La théorie freudienne met en avant le côté pathogène (qui rend malade) de certaines formes d'éducation trop répressives à l'égard de la sexualité. Freud reprend une vieille légende allemande racontant comment des villageois fiers de leur cheval mais économes avaient décidé de diminuer chaque jour sa ration d'avoine d'un grain. Le cheval avait fini par mourir de faim. Il en va de même à l'égard de nos désirs, selon Freud, et à l'égard de leur ancrage sexuel. La répression ne fait qu'engendrer la névrose ; il faut plutôt détourner les désirs de leurs buts sexuels tout en leur conservant leur énergie et en les mettant au service d'œuvres moralement et socialement plus élevées : notamment à travers le travail et l'art.
Pour Freud, la maturation de l’individu passe par un processus de « sublimation », grâce auquel les pulsions sont détournées de leur objet premier et reconduites vers des activités socialement valorisées.
Au cours de leurs jeunes années, les individus réorientent inconsciemment leurs instincts et retrouvent dans de nouvelles activités des satisfactions profondes, car leurs pulsions ont pour propriété de pouvoir changer d’objet sans perdre de leur intensité. En d’autres termes, lorsqu’un objet est interdit au désir, celui-ci est capable d ’en trouver un autre. Et si les hommes ont la force de perdre ce à quoi ils sont attachés, c’est parce que leur psychisme est toujours capable d’échanger un objet de désir contre un autre, pour aller « désirer ailleurs ».



Le désir entre le moi et l’autrui

Dans le Traité de la nature humaine, Hobbes va  plus loin. Je ne désire un objet que parce qu’un autre le désire aussi : ce que je désire, ce n’est pas l’objet lui-même, c’est en priver autrui pour le forcer à reconnaître que je peux obtenir ce qu’il se  voit refusé. Tout désir aspire à obtenir de l’autre l’aveu du pouvoir, c’est-à-dire « l’honneur ». Tout  désir, en tant qu’il vise avant tout à l’humiliation de l’autre, est désir de pouvoir.
En d’autres termes, je ne désire que médiatement ou indirectement un objet : ce que je désire immédiatement, c’est affirmé ma supériorité sur autrui ; la possession de l’objet n’est ici qu’un moyen.

Faut-il chercher à maîtriser ses désirs ?
Les stoïcienne
Si le désir est insatiable, il risque d’entraîner l’homme dans des excès et de faire son malheur.
Les sagesses antiques préconisaient ainsi une discipline des désirs. L’homme est malheureux parce qu’il désire trop et mal. Apprendre à désirer seulement ce que l’on peut atteindre, en restant dans les bornes du raisonnable, telle est la morale  stoïcienne.

Épicure
l’épicurisme propose une morale rationnelle du la satisfaction. Cette  dernière survient lorsque l’équilibre physiologique est établi dans un être vivant. Le plaisir est une limite qui ne peut être dépassée sans se transformer immédiatement en douleur. Le satisfaction est donc bien un bien par lui-même, mais un bien toujours menacé. D’où la discipline que s’impose l’épicurien : se suffire à soi-même, se contenter de peu, se moquer du destin sont ses préceptes fondamentaux
Comment, pratiquement, réaliser cet idéal ?
 D’une part, en suivant la nature, et d’autre part, en opérant un choix raisonné parmi les désirs. On distingue ceux qui sont naturels et nécessaires, ceux qui sont naturels mais non nécessaires, enfin ceux qui ne sont ni naturels ni nécessaires. Les premiers sont à satisfaire pleinement ; les deuxièmes, à éviter ; les troisièmes, à proscrire. On voit que cet ascétisme ne permet pas de confondre l’épicurisme avec l’hédonisme, lequel ne considère que l’intensité du plaisir et de la douleur, et non les différences qualitatives qu’il peut y avoir entre eux. Épicure ne vise qu’à la quiétude pleine et entière de l’âme à laquelle il donne le nom d’« ataraxie ».

« Changer mes désirs plutôt que l'ordre du monde. »René Descartes, Discours delà méthode
Inespéré par Epictète  auquel il emprunte cette formule, Descartes préconise la retenue : plutôt que de s’atteler à la tâche impossible de réformer la réalité, n’est-il pas plus sage de modérer nos désirs ?mieux vaut s’épargner les désillusions de désirs insensés et s’accommoder d’un monde qui, s’il n’est pas à la hauteur de nos aspirations, n’en procure pas moins des joies simples et accessibles.

le désir et Le Besoin
Le désir se distingue-t-il  du besoin ?
Alors que le besoin est déterminé par la nécessité et obéit au déterminisme du corps cherchant à se maintenir en vie (boire, se nourrir, se défendre...), le désir semble, au contraire, motivé par la conscience. Il apparaît alors comme illimité et propre à chacun.        
le désir sent confusément qu’aucun objet n’est à même de le satisfaire pleinement. C’est pourquoi, à la différence du besoin, il est illimité, insatiable et sans cesse guetté par la démesure
 Platon montre dans le Gorgias quand il compare l’homme qui désire à un tonneau percé qui ne peut jamais être rempli.
Selon Schopenhauer, la vie d’un être de désir est donc comme un pendule qui oscille entre la souffrance (quand le désir n’est pas satisfait, et que le manque se fait douloureusement sentir) et l’ennui (quand le désir est provisoirement satisfait).

le désir et la Volonté
Quel rapport existe entre désir et Volonté ?
 Le désir est opposé à la volonté : la volonté est rationnelle, le désir irrationnel, la volonté est réaliste, le désir irréaliste, la volonté est consciente, le désir inconscient, la volonté est     finie, le désir infini.
Freud a découvert dans  le psychisme la dualité   irréductible du conscient et de l’inconscient : il arrive souvent qu’un désir inconscient entre en conflit avec une volonté consciente
Pour Freud, un désir est l’expression d’une pulsion (libido ou pulsion sexuelle, agressivité ou  pulsion de   mort). Il est inconscient de par  son origine et sa nature mais  conscient dans ses manifestations (quand on désire quelque chose, on le sait).

le désir et la raison
Épicure
la classification des désirs : Désirs naturels et nécessaires, désirs naturels seulement, et désirs vains Le philosophe grec de l'Antiquité, dans sa Lettre à Ménécée, explique comment le bonheur passe par la classification des désirs. Il s'agit de savoir quels désirs sont susceptibles de procurer une vraie satisfaction et quels désirs sont susceptibles de demeurer insatisfaits. Épicure distingue trois types de désirs : les désirs naturels et nécessaires (manger ce qu'il faut pour rester en vie et en bonne santé, par exemple), les désirs naturels seulement (manger de bons mets) et les désirs vains (désirer la richesse, par exemple). Seuls les premiers conduisent à un plaisir stable correspondant pour Épicure au vrai bonheur, car ces désirs sont facilement satisfaits par la nature et n'engendrent pas la dépendance ; les deuxièmes, bien que naturels, sont plus difficiles à satisfaire (on ne trouve pas toujours de bons mets) et enfin les derniers sont des désirs insatiables

Aristote
 « Tous les hommes désirent naturellement savoir »
 cette proposition décisive n’inaugure pas seulement la Métaphysique, mais un esprit qui animera toute la recherche. Prise dans son ampleur, elle affirme que l’homme est naturellement, par essence, en quête de la connaissance rationnelle  de l’absolu, dont le désir inscrit en nous la marque en creux. Mais ce désir n’est plus celui d’une âme exilée dans un corps : l’homme d’Aristote est solidement ancré dans la nature, il est le « vivant » par excellence. il jouit de capacités spécifiques, dès les stades les plus humbles (sa vision, par exemple, n’est pas seulement utilitaire, mais contemplative, ce qui provoque en lui du plaisir).

Hume
soutient Hume, le plaisir et la douleur sont ce qui motive les gens et crée des passions. Les passions sont des sentiments qui déclenchent des actions, et la raison devrait agir comme un «esclave» de la passion. La raison peut influencer les actions d'un individu de deux manières: elle oriente les passions vers les objets et découvre les connexions entre les événements qui finiront par créer des passions.

 « Rien de grand ne s’est accompli dans le monde sans passion »
Hegel est demeuré célèbre pour sa philosophie de l’Histoire. Le destin du monde est selon lui la réalisation progressive d’une rationalité difficile à déceler à l’œil nu, œuvrant en profondeur, de façon irréversible. Et au sein des vastes processus historiques, la passion, dont on souligne pourtant souvent le caractère capricieux et déraisonnable, joue un rôle important
 De quelle manière ?
Hegel recourt au terme de « passion » lorsqu’un individu concentre toute son énergie, toutes les fibres de son être, au service d’un but unique, lui sacrifiant tout le reste. Or, cet élan qui décuple les forces de l’individu fournit l’enthousiasme nécessaire aux grands projets, aux entreprises dangereuses ou démesurées. Deux perspectives s’opposent alors : lorsqu’on observe les hommes de près, on n’aperçoit que des individus animés de passions personnelles ; mais en prenant du recul, on découvre que ces intérêts individuels sont la force même grâce à laquelle des mutations historiques s’accomplissent.
Un grand conquérant comme César illustre ce paradoxe. Loin dette un individu sobre ou modéré, il lutta passionnément pour être le seul maître à Rome, et se projeta sur cet objectif au détriment de tout autre. Mais son ambition égoïste était  précisément la cause de ce qui étendit la souveraineté de Rome bien au-delà de ses frontières de l’époque, créant une puissance politique qui allait devenir le centre de l’histoire universelle.

le désir et la liberté

Spinoza compte la joie, avec le désir et la tristesse, au nombre des affects fondamentaux dont dérivent tous les autres.
désir (conatus), conçu comme le « principe de conservation de l’individu ». Notre liberté elle-même passe par la nécessaire connaissance de notre désir et des causes qui l’affectent, positivement ou négativement, dans la nature ; elle n’est donc en rien une liberté transcendante, comme le libre arbitre, qui nous donne l’illusion de pouvoir choisir parce que nous ignorons les causes qui déterminent notre action
Pour autant, Spinoza ne légitime pas toute envie ou caprice, et n'invite pas à la jouissance frénétique des divertissements comme nous y incite notre société de consommation. La revalorisation du désir s'inscrit dans la une l’enjeu est prendre à connaître et maîtriser cette vitalité en vue d’une existence bienheureuse, c’est-à-dire moralement accomplie.

LE DÉSIR LE DÉSIR Reviewed by rachman on décembre 11, 2019 Rating: 5

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