Est-il difficile d’être
heureux ?
Texte de Arthur Schopenhauer
Nous sentons la douleur, mais non l’absence
de douleur ; le souci, mais non l’absence de souci ; la crainte, mais non la
sécurité. Nous ressentons le désir, comme nous ressentons la faim et la soif ;
mais le désir est-il rempli, aussitôt il en advient de lui comme de ces
morceaux goûtés par nous et qui cessent d’exister pour notre sensibilité, dès
le moment où nous les avalons.
Nous remarquons douloureusement l’absence des
jouissances et des joies, et nous les regrettons aussitôt ; au contraire, la
disparition de la douleur, quand même elle ne nous quitte qu’après longtemps,
n’est pas immédiatement sentie, mais tout au plus y pense- t-on
parce qu’on veut y penser, par le moyen de la réflexion. Seules, en effet, la
douleur et la privation peuvent produire une impression positive et par là se
dénoncer d’elles-mêmes.
Le bien-être, au contraire, n’est que pure négation.
Aussi n’apprécions-nous pas les trois plus
grands biens de la vie, la santé, la jeunesse et la liberté, tant que nous les
possédons ; pour en comprendre la valeur, il faut que nous les ayons perdus,
car ils sont aussi négatifs. Que notre vie était heureuse, c’est ce dont nous ne nous apercevons qu’au moment où
ces jours heureux ont fait place à des jours malheureux.
Autant les jouissances augmentent, autant
diminue l’aptitude à les goûter : le plaisir devenu habitude n’est plus éprouvé
comme tel. Mais par là même grandit la faculté de ressentir la souffrance ; car
la disparition d ’un plaisir habituel cause une impression douloureuse. Ainsi
la possession accroît la mesure de nos besoins, et du même coup la capacité de
ressentir la douleur.
Arthur Schopenhauer, Le Monde comme volonté
et comme représentation, p. 1337.
Questions
1.
Expliquez : « Le
bien-être [...] n'est que pure négation » en montrant pourquoi cette
affirmation est paradoxale.
2.
Pourquoi n'apprécions-nous pas la santé, la
jeunesse et la liberté pendant que nous les possédons ?
3.
Expliquez l'affirmation : « le plaisir devenu
habitude n'est plus éprouvé comme tel » en proposant un exemple.
Nous pouvons tous sentir le désir , mais
celui-ci disparait au moment de le gouter par contre nous ne pouvons pas
sentir le bonheur, car le
bien-être, n’est que pure
négation »
Le malheur de l’être humain c'est qu’il ne
peut pat sentir les trois plus grands biens de la vie, la santé, la jeunesse et
la liberté tant qu’il les détient
pour cela l’homme est déterminé à ne pas sentir le bonheur parce qu’aussitôt qu’il obtient
des jouissances il se transforme en des habitudes neutres
ainsi Schopenhauer met en évidence cette
dissymétrie entre la souffrance et le bonheur.
C’est une vision pessimiste de la vie puisqu’il
voit la vie humaine comme la forme la plus douloureuse de la vie puisque la
condition de l’homme pour Schopenhauer est
d’aller du désir qui est manque, à l’ennui de la satiété
les stoïciens : il est difficile heureux
car
le bonheur réside exclusivement dans la
vertu, en outre les plaisirs ne sont pas tous bons parce que ils ne sont pas stables tous le
temps c’est pourquoi il faut choisir les
désirs « naturels et nécessaires » comme manger
quand on a faim ; les seuls qui « apaisent la tempête de l’âme »
Le
bonheur dans ce cas , c’est de n’avoir ni faim, ni soif, ni froid, de vivre,
non en société, mais en autarcie : le sage n’a besoin de rien (ou presque) ni
de personne. Dans cette perspective, la philosophie est un moyen de « préserver
les hommes » en les engageant à vivre le moins possible en société.
Descartes : il est
difficile heureux
La définition du désir pour Descartes :le désir est une «
agitation de l’âme » il est causée par les esprits animaux qui la dispose à
vouloir – pour l’avenir – des choses qu’elles croient convenables
Selon Descartes il est difficile d’être heureux C’est pourquoi peut
t'être il a dit, dans ses
Correspondances : « Il vaut mieux changer ses propres désirs
plutôt que l'ordre du monde »
changer
ses désirs (ce qui dépend de nous)
plutôt que l’ordre du monde (qui ne dépend pas de nous) ; une maxime d’origine
stoïcienne.
Descartes en conclut qu’il ne pouvait rien
faire de mieux que « d’employer toute ma vie à cultiver ma raison, et
m’avancer, autant que je pourrais, en la connaissance de la vérité, suivant la
méthode que je m’étais prescrite ».
Texte de Emmanuel Kant
Le malheur est que le concept du bonheur soit un concept tellement indéterminé que, même
si tout homme désire d’être heureux, nul ne peut jamais dire pourtant avec
précision et en restant cohérent avec soi-même ce que vraiment il souhaite et
veut. La cause en est que tous les éléments qui appartiennent au concept du bonheur sont
globalement empiriques, c’est-à-dire doivent nécessairement être empruntés à
l’expérience, et que pourtant se trouve requis pour l’idée du bonheur un tout
absolu, un maximum de bien-être dans mon état actuel et dans tout état qui
pourrait être le mien à l’avenir. Or, il est impossible que l’être fini, quand
bien même il serait l’esprit le plus
pénétrant et en même temps le plus puissant de tous, se fasse un concept
déterminé de ce qu’ici il veut véritablement. …, il
est incapable de déterminer selon un principe avec une complète certitude ce
qui le rendrait vraiment heureux - car pour cela l’omniscience serait
indispensable. On ne peut donc pas agir
d’après des principes déterminés, pour être heureux, mais seulement en fonction
de concepts empiriques comme, par exemple, ceux qui incitent à faire la diète,
à être économe, courtois, réservé, etc., tout comportement dont l’expérience
apprend qu’en moyenne il favorise dans la plupart des cas le bien-être. Il en
résulte que les impératifs de la prudence, à parler avec précision, ne peuvent
en fait nullement commander, c’est-à-dire présenter des actions de façon
objective comme pratiquement nécessaires, qu’ils doivent être considérés
bien davantage comme des conseils que comme des commandements de la raison, et
que le problème de déterminer de manière sûre et universelle quelle action
favoriserait le bonheur d ’un être raisonnable
est totalement insoluble : de ce point de vue, nul impératif n’est donc
possible qui soit susceptible de commander, au sens strict du terme, de faire
ce qui rend heureux, parce que le bonheur est un idéal, non pas de la raison,
mais de l’imagination, qui repose uniquement sur des principes empiriques, dont
il est vain d’attendre qu’ils parviennent à déterminer une action à la faveur de
laquelle serait atteinte la totalité d ’une série, en réalité infinie, de
conséquences.
Emmanuel Kant, Fondation de la
métaphysique des mœurs, p. 93-94.
Questions
1)
Comment les êtres
humains déterminent-ils « les éléments qui appartiennent au concept du bonheur
»?
2)
À l'aide des
exemples de Kant, expliquez en quoi la condition humaine diffère de celle d'un
être omniscient ?
3)
Pourquoi les êtres
humains ne peuvent-ils pas savoir comment être heureux ?
4)
Pourquoi Kant affirme -t-il que le bonheur n'est pas un
idéal de la raison, mais de l'imagination ?
Comment faire pour être heureux ?
Pour le savoir, il faudrait d'abord connaître
de manière assurée ce qu'est le bonheur.
Or, le
bonheur est un concept difficile à
déterminer parce que l’homme ignore
précisément ce qu’il veut , on ne peut pas déterminer de manière sûre et
universelle quelle action favoriserait le bonheur d’un être raisonnable parce que c’est un concept
empirique .
, ainsi le bonheur reste un idéal plus qu’une
réalité ou l’imaginaire plus que la raison joue le rôle principal
Le désir nous rend-il
heureux ?
Texte de Jean-Jacques Rousseau
Tant qu’on désire, on peut se passer d’être
heureux ; on s’attend à le devenir ; si le bonheur ne vient point, l’espoir se
prolonge, et le charme de l’illusion dure autant que la passion qui le cause.
Ainsi cet état se suffit à lui-même, et l’inquiétude qu’il donne est une sorte
de jouissance qui supplée à la réalité. Qui vaut mieux, peut-être. Malheur à
qui n’a plus rien à désirer ! il perd pour ainsi dire tout ce qu’il possède. On
jouit moins de ce qu’on obtient que de ce qu’on espère, et l’on n’est heureux
qu’avant d’être heureux. En effet, l’homme avide et borné, fait pour tout
vouloir et peu obtenir, a reçu du ciel une force consolante qui rapproche de
lui tout ce qu’il désire, qui le soumet à
son imagination, qui le lui rend présent et sensible, qui le lui livre
en quelque sorte, et pour lui rendre cette imaginaire propriété plus douce, le
modifie au gré de sa passion. Mais tout ce prestige disparaît devant l’objet
même ; rien n’embellit plus cet objet aux yeux du possesseur ; on ne se figure
point ce qu’on voit ; l’imagination ne pare plus rien de ce qu’on possède,
l’illusion cesse où commence la
jouissance. Le pays des chimères est en ce monde le seul digne d ’être habité
et tel est le néant des choses humaines, qu’hors l’Être existant par lui-même,
il n’y a rien de beau que ce qui n’est pas.
Jean-Jacques
Rousseau Œuvres complètes 1964, p. 693-694.
Certaines personnes pensent
que le désir est un manque, et donc une souffrance, tandis que le
bonheur résiderait dans l'obtention de l'objet du désir Rousseau défend une
autre conception du bonheur. Pour lui
En peut se passer d’être heureux et changer
le bonheur par le désir et celui qui n’a pas d’objet de désir vis dans
le malheur : « Malheur à qui n’a plus rien à désirer ».
Le bonheur est une espérance plus que
réalité, et l’illusion cesse où commence
la jouissance c’est pourquoi le désir est si important selon Rousseau
Cette thèse est le contraire de la thèse la
stoïcienne qui proclame que l'homme,
pour atteindre le bonheur, doit se détacher de son corps et son désir et échapper ainsi à la fragilité du temps.
Mais
dans l’autre côté Montaigne, , recherche la voix du corps ;
c’est-à-dire que l'homme doit apprendre
à accepter de vivre avec son corps son désir . D'ailleurs, il n'est pas vrai
que le corps soit cet élément de désordre que nous ont dépeint Platon ou les
stoïciens... Comme Lucrèce, Montaigne pense que le corps a
des désirs réglés et limités: c'est l'âme qui présente au désir des objets illusoires
et illimités
Le désir nous rend-il heureux ? Est-il difficile d’être heureux ?
Reviewed by rachman
on
décembre 18, 2019
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