Cours de l'histoire En quoi consiste le travail de l’historien ?


En quoi consiste le travail de l’historien ?
Explication de texte de Henri-Irénée Marrou
Nous ne comprenons l’autre que par sa ressemblance à notre moi, à notre expérience acquise, à notre propre climat ou univers mental. Nous ne pou­vons comprendre que ce qui, dans une assez large mesure, est déjà nôtre, fraternel ; si l’autre était complètement dissemblable, étranger à cent pour  cent, on ne voit pas comment sa compréhension serait possible.
Cela reconnu, il ne peut exister de connaissance d’autrui que si je fais effort pour aller à sa rencontre en oubliant, un instant, ce que je suis [...].
Cela n’est pas donné à tous ; chacun de nous a rencontré dans la vie des hommes qui se révèlent incapables de s’ouvrir, de prêter attention à autrui  (de ces gens dont on dit qu’ils n’écoutent pas quand on leur parle) : de tels hommes feraient de bien mauvais historiens.
C’est quelquefois par étroitesse d’esprit et c’est alors manque d’intelligence (ne disons pas égoïsme : le véritable égocentrisme1 est plus subtil) ; mais le plus souvent il s’agit d’hommes qui, écrasés sous le poids de leurs préoccupations, se refusent en quelque sorte le luxe de cette mise en disponibilité [...]. L’historien sera [...] celui qui acceptera de mettre sa pensée en vacances, d ’entreprendre de longs circuits où il se dépaysera, parce qu’il sait quel élar­gissement du moi procure ce détour qui passe par la découverte d’autrui. [...]
Si la compréhension est bien cette dialectique du Même avec l’Autre2 que  nous avons décrite, elle suppose l’existence d’une large base de communion fraternelle entre sujet et objet, entre historien et document (disons plus préci­sément : et l’homme qui se révèle à travers le document, ce signe) : comment comprendre, sans cette disposition d’esprit qui nous rend connaturels3 4 à autrui, nous permet de ressentir ses passions, de repenser ses idées sous la 25 lumière même où il les vit, en un mot de communier avec l’autre. Le terme de sympathie est même insuffisant ici : entre l’historien et son objet c’est une amitié qui doit se nouer, si l’historien veut comprendre, car, selon la belle for­mule de saint Augustin, « on ne peut connaître personne sinon par l’amitié ».
Henri-Irénée Marrou, De la connaissance historique, © Seuil, 1954, p. 88-90 et 98.

QUESTIONS
1. Pourquoi l'amitié est-elle perçue comme le modèle de la connais­sance vraie ?
 2. L'amitié, comme mode de la connaissance, ne pourrait-elle pas au contraire être trompeuse ?
3. La compréhension historique comme amitié a-t-elle des limites ?
 4. Peut-on réellement se mettre à la place des hommes du passé
Thèse de Marrou
il ne peut exister de connaissance d’autrui que si nous faisons  effort pour aller à sa rencontre en oubliant, un instant, ce que nous sommes , notre culture , nos Préjugés et nos préconceptions et abandonner l’égocentrisme et la tendance à être centré sur soi-même. Et il faut que l’historien ait  une large base de communion fraternelle et de sympathie et même une amitié entre lui  et le document recherché.
Marrou est un des défendeurs de la compréhen­sion :
On entend par compréhension : une activité intellectuelle particulière qui mêle raisonnement et sympathie, dans les deux sens du terme : empathie et sentiment amical. L'historien ne saurait être totalement indifférent à son sujet d'étude. Comprendre les hommes du passé, c'est déchiffrer, interpréter, leurs comportements, leurs actions, en essayant de se mettre à leur place et en raisonnant par analogie. Pour que cette compréhension soit la plus profonde possible, Marrou va jusqu'à évoquer une participation affective, une amitié.

Thèse de P. Ricœur
« Nous attendons de l'historien une certaine qualité de subjectivité » (Paul Ricœ ur*, Histoire et Vérité, 1955).

Pour P. Ricœur, une certaine forme de subjectivité est nécessaire en histoire (rechercher les motivations subjectives). Il faut, par exemple, savoir faire « revivre » l'esprit des hommes du passé si on veut les comprendre. Il faut donc penser l'existence d'une « bonne subjectivité ».
Thèse de F. Hegel

« Rien de grand dans le monde ne s'est accompli sans passions » (Georg W. F. Hegel, La Raison dans l'Histoire, 1830).
On voit souvent les passions comme ce qui fait agir l'hom m e de façon irrationnelle, désor­donnée et stérile. Pour Hegel, elles sont le moyen par lequel la Raison se réalise dans l'Histoire. En s'efforçant de satisfaire leurs ambitions personnelles, les grands hommes accomplissent, sans le savoir, le « sens de l'histoire ».

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