Qu’est-ce que la politique ?- 3 - Hannah Arendt




les expériences politiques fondamentales de notre siècle  sont les guerres et les révolutions

Ce sont les guerres et les révolutions, et non le fonctionnement des gouvernements parlementaires et des appareils de parti démocratiques, qui constituent les expériences politiques fondamentales de notre siècle.
Les guerres et les révolutions ont en commun d’être placées sous le signe de la violence….. cela signifie que nous nous mouvons essentiellement dans le champ de la violence et que nous sommes enclins, sur la base de nos expériences, à identifier l’action politique à l’action violente.
L’objectif des guerres et des révolutions
L’arsenal de ces instruments est constitué par les moyens de la violence qui, comme tous les moyens, servent à déterminer un objectif. Cet objectif peut être, dans l’optique de la défense, l’affirmation de soi, et, dans le cas de l’offensive, la conquête et la domination ; dans le cas d’une révolution, le but peut être la destruction comme aussi la restauration d’un corps politique ancien, ou enfin l’édification d’un nouveau corps politique.
La différence  en politique entre le but, la fin et le sens.
Le sens d’une chose, contrairement à son but, réside toujours en elle-même, et le sens d’une activité ne peut persister qu’aussi longtemps que cette activité dure. Cela est valable pour toutes les activités et également pour l’action, qu’elle poursuive ou non un but.
le but d’une chose, c’est précisément l’inverse ; il ne commence à devenir réel que lorsque l’activité qui l’a produit est parvenue à son terme – à peu près de la même manière dont un objet produit quelconque se met à exister à l’instant même où le fabricant y a mis la dernière main
les fins en fonction desquelles nous nous orientons, elles établissent des critères en fonction desquels tout ce qui s’accomplira devra être jugé ; ils dépassent ou transcendent ce qui est accompli au sens où chaque critère transcende ce qu’il doit mesurer.
le principe de l’action
il consiste dans la conviction fondamentale que partage un groupe d’hommes. De telles convictions fondamentales, qui ont joué un rôle au cours de l’action politique
ces principes qui incitent en tout premier lieu les hommes à l’action et dont leurs actions se nourrissent constamment.
Montesquieu n’en cite-t-il que trois :
·      l’honneur dans les monarchies,
·      la vertu dans les républiques
·      la peur dans les tyrannies.
on peut également compter sans difficulté la gloire, telle que nous la connaissons par le monde homérique, la liberté telle qu’on la trouve à Athènes à l’époque classique, ou la justice, mais également l’égalité à condition d’entendre par là la conviction de la dignité originelle de tous ceux qui ont un visage humain.
Questions alarmantes : questions qui se posent inéluctablement à celui qui commence à réfléchir sur la politique à notre époque
nous nous demandons en conséquence si la politique a finalement encore un sens, nous soulevons ….. une série d’autres questions très différentes. Les questions qui résonnent dans notre question initiale sont les suivantes.
Premièrement : la politique a-t-elle en définitive encore un sens ? Et cette question signifie : les buts que l’action politique peut poursuivre sont-ils dignes des moyens qui peuvent être mis en œuvre dans les circonstances présentes pour l’atteindre ?
Deuxièmement : y a-t-il encore en définitive dans le champ politique des fins en fonction desquelles nous pouvons nous orienter en toute confiance ? Et, à supposer qu’il y en ait, leurs critères ne sont-ils pas complètement impuissants et par conséquent utopiques, en sorte que chaque entreprise politique, une fois qu’elle a été mise en mouvement, ne se soucie plus des fins ni des critères, mais suit un cours interne que rien d’extérieur à elle ne peut arrêter ?
Troisièmement, l’action politique, du moins à notre époque, ne se caractérise-t-elle pas précisément par l’absence de tout principe ?
la fin de toute violence est effectivement la paix


c’est-à-dire ce à partir de quoi toutes les actions violentes singulières doivent être jugées – au sens où, selon le célèbre mot de Kant »
toutes les actions violentes s’effectuent dans le cadre de la catégorie moyens-fin
une action qui ne reconnaît pas la paix pour fin – et les guerres que déclenchent les régimes totalitaires se sont assigné pour but la conquête du monde ou la domination du monde plutôt que la paix – apparaîtra toujours supérieure dans le champ de la violence
la citation de de Clausewitz
la guerre n’est rien d’autre que la poursuite de la politique avec d’autres moyens
le mot de Clausewitz s’est inversé selon Hannah Arendt
la politique est finalement devenue une poursuite de la guerre dans laquelle les moyens de la ruse se sont provisoirement introduits à la place des moyens de la violence.
la course aux armements a inversé le mot de Kant : «, rien ne devrait arriver dans une guerre qui rendrait impossible la paix par la suite »
nous vivons dans une paix au sein de laquelle rien ne doit être épargné pour qu’une guerre soit encore possible.
Du désert et des oasis
C’est Nietzsche qui, le premier, a reconnu le désert
l’erreur de Nietzsche selon Hannah Arendt
Nietzsche pensait, comme tous ceux qui sont venus après lui, que le désert était en nous. Par ce diagnostic, il révèle qu’il était lui-même l’un des premiers habitants conscients du désert.
Cette idée est à la base de la psychologie moderne. Elle est la psychologie du désert et également la victime de l’illusion la plus effrayante qui soit dans le désert, celle qui nous incite à penser que quelque chose en nous ne va pas, et ce parce que nous ne pouvons pas vivre dans les conditions de vie qui sont celles du désert, et que nous perdons par conséquent la capacité de juger, de souffrir et de condamner.

Le rôle de la psychologie


a psychologie essaie d’« aider » les hommes, elle les aide à « s’adapter » aux conditions d’une vie désertique
Cela nous ôte notre seule espérance, à savoir l’espérance que nous, qui ne sommes pas le produit du désert, mais qui vivons tout de même en lui, sommes en mesure de transformer le désert en un monde humain.
Les plus grands dangers
Le danger consiste en ce que nous devenions de véritables habitants du désert et que nous nous sentions bien chez lui.
L’autre grand danger du désert consiste en ce qu’il recèle la possibilité de tempêtes de sable, c’est-à-dire que le désert n’est pas toujours une paix de cimetière, là où en fin de compte tout est encore possible, mais qu’un mouvement autonome se déclenche. «Voilà en quoi consistent les mouvements totalitaires : leur danger tient précisément en ce qu’ils s’adaptent dans une très grande mesure aux conditions en vigueur dans le désert. Ils ne comptent sur rien d’autre, et c’est pourquoi ils semblent être les formes politiques les plus adéquates à la vie dans le désert.  » P159
Tous deux, la psychologie en tant que discipline de la vie humaine adaptée au désert, et les mouvements totalitaires
menacent les deux facultés de l’homme, grâce auxquelles nous pourrions patiemment transformer le désert (: la faculté de pâtir et la faculté d’agir.
La psychologie essaie seulement de nous habituer à la vie dans le désert au point que nous n’éprouvions plus aucun besoin d’oasis. Les oasis constituent tous ces domaines de la vie qui existent indépendamment, ou tout au moins en grande partie indépendamment, des circonstances politiques.


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