les expériences politiques fondamentales de notre
siècle sont les guerres et les
révolutions
Ce sont les guerres et les
révolutions, et non le fonctionnement des gouvernements parlementaires et
des appareils de parti démocratiques, qui constituent les expériences
politiques fondamentales de notre siècle.
Les guerres et les révolutions ont en commun d’être
placées sous le signe de la violence….. cela signifie que nous nous
mouvons essentiellement dans le champ de la violence et que nous sommes
enclins, sur la base de nos expériences, à identifier l’action politique à
l’action violente.
L’objectif des guerres et des révolutions
L’arsenal de ces instruments est constitué par les
moyens de la violence qui, comme tous les moyens, servent à déterminer un
objectif. Cet objectif peut être, dans l’optique de
la défense, l’affirmation de soi, et, dans le cas de l’offensive, la conquête
et la domination ; dans le cas d’une révolution, le but peut être la
destruction comme aussi la restauration d’un corps politique ancien, ou enfin
l’édification d’un nouveau corps politique.
La différence en
politique entre le but, la fin et le sens.
Le sens
d’une chose, contrairement à son but, réside toujours en elle-même, et le sens
d’une activité ne peut persister qu’aussi longtemps que cette activité dure.
Cela est valable pour toutes les activités et également pour l’action, qu’elle
poursuive ou non un but.
le but
d’une chose, c’est précisément l’inverse ; il ne commence à devenir réel que
lorsque l’activité qui l’a produit est parvenue à son terme – à peu près de la
même manière dont un objet produit quelconque se met à exister à l’instant même
où le fabricant y a mis la dernière main
les fins
en fonction desquelles nous nous orientons, elles établissent des critères en
fonction desquels tout ce qui s’accomplira devra être jugé ; ils dépassent ou
transcendent ce qui est accompli au sens où chaque critère transcende ce qu’il
doit mesurer.
le principe de l’action
il consiste dans la conviction fondamentale que partage
un groupe d’hommes. De telles convictions fondamentales, qui ont joué un rôle
au cours de l’action politique
ces principes qui incitent en tout premier lieu les
hommes à l’action et dont leurs actions se nourrissent constamment.
Montesquieu n’en cite-t-il que trois :
· l’honneur dans les monarchies,
· la vertu dans les républiques
·
la peur dans les tyrannies.
on peut également compter sans difficulté la gloire,
telle que nous la connaissons par le monde homérique, la liberté telle qu’on la
trouve à Athènes à l’époque classique, ou la justice, mais également l’égalité
à condition d’entendre par là la conviction de la dignité originelle de tous
ceux qui ont un visage humain.
Questions alarmantes : questions
qui se posent inéluctablement à celui qui commence à réfléchir sur la politique
à notre époque
nous nous demandons en conséquence si la politique a
finalement encore un sens, nous soulevons ….. une série d’autres questions
très différentes. Les questions qui résonnent dans notre question initiale sont
les suivantes.
Premièrement
: la politique a-t-elle en définitive encore un sens ? Et cette question
signifie : les buts que l’action politique peut poursuivre sont-ils dignes des
moyens qui peuvent être mis en œuvre dans les circonstances présentes pour
l’atteindre ?
Deuxièmement
: y a-t-il encore en définitive dans le champ politique des fins en fonction
desquelles nous pouvons nous orienter en toute confiance ? Et, à supposer qu’il
y en ait, leurs critères ne sont-ils pas complètement impuissants et par
conséquent utopiques, en sorte que chaque entreprise politique, une fois
qu’elle a été mise en mouvement, ne se soucie plus des fins ni des critères,
mais suit un cours interne que rien d’extérieur à elle ne peut arrêter ?
Troisièmement,
l’action politique, du moins à notre époque, ne se caractérise-t-elle pas
précisément par l’absence de tout principe ?
c’est-à-dire ce à partir de quoi toutes les actions
violentes singulières doivent être jugées – au sens où, selon le célèbre mot de
Kant »
toutes les actions violentes s’effectuent dans le cadre
de la catégorie moyens-fin
une action qui ne reconnaît pas la paix pour fin – et
les guerres que déclenchent les régimes totalitaires se sont assigné pour but
la conquête du monde ou la domination du monde plutôt que la paix – apparaîtra
toujours supérieure dans le champ de la violence
la citation de de Clausewitz
la guerre n’est rien d’autre que la poursuite de la
politique avec d’autres moyens
le mot de Clausewitz s’est inversé selon Hannah Arendt
la politique est finalement devenue une poursuite de la
guerre dans laquelle les moyens de la ruse se sont provisoirement introduits à
la place des moyens de la violence.
la course aux armements a inversé le mot de
Kant : «, rien ne devrait arriver dans une guerre qui rendrait
impossible la paix par la suite »
nous vivons dans une paix au sein de laquelle rien ne
doit être épargné pour qu’une guerre soit encore possible.
Du désert et des oasis
C’est Nietzsche qui, le premier, a reconnu le désert
l’erreur de Nietzsche selon Hannah Arendt
Nietzsche pensait, comme tous ceux qui sont venus après
lui, que le désert était en nous. Par ce diagnostic, il révèle qu’il était
lui-même l’un des premiers habitants conscients du désert.
Cette idée est à la base de la psychologie moderne.
Elle est la psychologie du désert et également la victime de l’illusion la plus
effrayante qui soit dans le désert, celle qui nous incite à penser que quelque
chose en nous ne va pas, et ce parce que nous ne pouvons pas vivre dans les
conditions de vie qui sont celles du désert, et que nous perdons par conséquent
la capacité de juger, de souffrir et de condamner.
a psychologie essaie d’« aider » les hommes, elle les
aide à « s’adapter » aux conditions d’une vie désertique
Cela nous ôte notre seule espérance, à savoir
l’espérance que nous, qui ne sommes pas le produit du désert, mais qui vivons
tout de même en lui, sommes en mesure de transformer le désert en un monde
humain.
Les plus grands dangers
Le danger consiste en ce que nous devenions de
véritables habitants du désert et que nous nous sentions bien chez lui.
L’autre grand danger du désert consiste en ce qu’il
recèle la possibilité de tempêtes de sable, c’est-à-dire que le désert n’est
pas toujours une paix de cimetière, là où en fin de compte tout est encore
possible, mais qu’un mouvement autonome se déclenche. «Voilà en quoi
consistent les mouvements totalitaires : leur danger tient précisément en ce
qu’ils s’adaptent dans une très grande mesure aux conditions en vigueur dans le
désert. Ils ne comptent sur rien d’autre, et c’est pourquoi ils semblent être
les formes politiques les plus adéquates à la vie dans le désert. » P159
Tous deux, la psychologie en tant que discipline de la
vie humaine adaptée au désert, et les mouvements totalitaires
menacent les deux facultés de l’homme, grâce auxquelles
nous pourrions patiemment transformer le désert (: la faculté de pâtir et la
faculté d’agir.
La psychologie essaie seulement de nous habituer à la
vie dans le désert au point que nous n’éprouvions plus aucun besoin d’oasis.
Les oasis constituent tous ces domaines de la vie qui existent indépendamment,
ou tout au moins en grande partie indépendamment, des circonstances politiques.
Qu’est-ce que la politique ?- 3 - Hannah Arendt
Reviewed by rachman
on
février 22, 2020
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